A perdre pied
Ma muse et une feuille
Rien d’autre que je ne veuille.
Ce soir, de nouveau j’écrivaille,
Je pousse chaque mot, vaille que vaille,
Je tire sur les vers, j’allonge la plume,
La fadeur de mes poèmes me consume.
Il me faudrait deux pieds pour la douzaine
Mais ma quête de Cyrano reste vaine,
Toutes les deux rimes je perds pied,
Mon épée n’est que de papier,
Ma verve se dégonfle,
Le doute en tête ronfle.
Encore sur mon jacquard,
J’ai le fil mais pas l’art,
Je me prends les pieds dans la trame,
Je fais la navette et je rame.
Mon fol espoir de brocart s’effiloche,
Ma frénésie n’est que mouche du coche,
Il manque deux pieds, je saute des mailles
Et quelles que soient les aiguilles, je rimaille.
Acculé, je déchante, je brode,
Bel hallali pour toute ode,
Reste un texte décousu
A jeter au rebut.
Si j’écris, si je tisse, c’est pour avoir moins froid
Mais je n’ai pas toujours l’étoffe, quel désarroi !
Ces mots soulèvent-ils chez toi quelque émotion ?
Que dire de ton silence, pudeur ou déception ?
Qu’importe ! Pour toi, je passe outre cette loi d’airain,
Je retrouve le fil de mes alexandrins.
Au creux de ta couche, je loue le froid de l’hiver,
Dans l’âtre de ma complainte tu tisonnes les vers.
Je bois à ta bouche dans la chaleur de l’été,
Ton corps est la source de cette soif de beauté.
J’écris pour toi des poèmes au son de ta voix,
Mon cœur n’est plus qu’un crayon au bout de tes doigts.