Révélation
Je ne crois pas au hasard des rencontres fortuites.
Elle était assise, dos droit, la mine contrite.
Dans ce compartiment, était-elle à confesse ?
Je ne pensais pas assister à pareille messe.
Le train parti, commença l’étrange liturgie,
Impassible et patient, je montai en vigie.
Elle sortit poudres et crayons d’un tabernacle
Outils d’artifice ou bien faiseurs de miracles ?
D’une main ferme, elle déplia un grand mouchoir,
Des paillettes d’or jaillirent de cet encensoir.
Enroulé à ses cheveux dans un même nœud,
L’invitait-elle à ne pas oublier ses vœux ?
Devant le miroir, à genou sur le prie-Dieu,
D’un coup de pinceau, le noir éclaircit ses yeux.
Ouvrit-elle la bouche pour recevoir l’hostie ?
Non, c’est de rouge que ces lèvres souffraient d’appétit.
Trois gouttes de parfum sortirent d’un goupillon,
Je vis trois angelots riant dans leur sillon.
En croisant son regard, le mien plongea à terre,
Aurais-je dû réciter deux Ave, trois Pater ?
D’un geste, elle ajusta son quatre-vingt-cinq B
Comme la mitre sur la tête d’un abbé.
Voilà la douce nonne transformée en diablesse,
A-elle vendu sa vertu pour une promesse ?
Le voyage prit fin avec le sacrement,
En quittant le train volait-elle vers son amant ?
Qu’importe ! Je rentrai le cœur léger, l’âme heureuse.
Bon Dieu ! Ma douce est plus belle et tout aussi pieuse !