Vent fort, ventre vide
Une abeille, au soleil levant,
S’apprête tôt pour butiner.
Mais par un jour de très grand vent
Qui maîtrise sa destinée ?
Si l’effluve du cerisier
Guide l’avette à son délice,
Comment remplir son gosier
Quand se dérobe le calice ?
Au vent, la corolle est joueuse,
Elle court, elle se cache, elle esquive.
L’étamine se fait danseuse,
Elle valse, elle swingue, elle vous lessive.
Comment conduire un pas de deux
Si l’on ignore le tempo ?
N’y a-t-il rien de plus hideux
Que d’unir salsa et tango ?
La bise, fausse camarade
Soufflant sur un ton ricaneur,
Lâche prise et vous laisse en rade
Seul à bord de votre planeur.
Notre aviatrice est affaiblie,
Dans son cockpit la faim tiraille.
Le tangage se fait roulis
Et la table champ de bataille.
La bourrasque est imprévisible
Et le danger vient de partout,
Face à l’ennemi invisible,
Le dard est un bien faible atout.
La pauvresse, les armes bas,
Ne peut en croire ses ocelles,
A l’issue de ce vain combat,
Nul nectar dans l’escarcelle.
Alors, pour sauver les abeilles,
Semez et choyez mille fleurs,
Et pour servir ces merveilles,
Liez ces mets à un tuteur.
Magnanimes, taisons ici
Les jurons dédiés à Eole,
Rions de cette facétie,
Bel exercice de haut vol.