À chacun son poète
Au début du printemps, le poète ferraille,
La page blanche pour éternelle bataille.
Montant à cœur sur le plus beau des destriers,
Il brandit la plume comme d’autres l’épée.
À chaque printemps, tout renait, tout recommence,
Et toute page blanche ouvre une autre romance.
Les mots en musique, le poète à la baguette,
Quelle est la source de sa mélodieuse quête ?
Pour l’un, la lumière vient d’en haut,
Elle fait de lui un enlumineur.
Et la voix dont il se fait l’écho
Guide ce mystique griffonneur.
L’autre ne prie que pour sa muse.
Enivré du parfum de sa chère,
Il se soûle de mots, il abuse,
Il n’est fait que de rimes et de chair.
Celle-ci s’abreuve de la pluie,
Des embruns sucrés de la nature.
Et cette sève qui la nourrit
Donne à son poème la ramure.
Celui-là vit au cœur du béton.
C’est au pouls des artères des villes,
Dans la foule, à l’ombre des frontons,
Que l’ennéasyllabe jubile.
Poétesse florale ou rime citadine,
Le fou de sa belle ou l’inspiration divine,
Reste entier le mystère qui les adouba,
Je ne sais ce qui pousse à mener ce combat.
Qu’importe le poète, il reste le poème,
Celui qui récolte n’est pas celui qui sème.
Qui pense à la racine un jour de floraison,
Le poète lui-même ignore ses raisons.