Toile de fond
Derrière les carreaux, un léger voile de cirrus,
Les trois premiers coups de l'Angélus
Sonnent le matin et le coucher de Vénus.
Côté fenêtre, deux rideaux de taffetas
Filtrent la lumière de leur grenat,
Les embrasses pendent comme des burlats.
Au mur, nature morte aux pommes et aux oranges,
Plus loin, perchent deux petites mésanges
Sur un miroir enceint de deux archanges.
Une étagère, pêle-mêle quelques fossiles,
A l'abri dans son bocal de formol, un petit reptile
Toise les mâchoires d'un crâne de crocodile.
Devant la fenêtre, une marquise aux pieds fuselés,
Tapisserie d'Aubusson finement tissée,
Accotoirs à feuilles d’acanthe sculptées.
Sur le miroir acajou d'une table ronde,
Dans un vase de faïence décoré d'une mappemonde,
Trois roses rouges dans un bouquet d'osmondes.
Au pied du vase, trois pierres fines,
Une améthyste, une aigue-marine
Et se cachant, ton sur ton, une cornaline.
Un ployant entre la table et la bergère,
Velours brodé de roses trémières,
A chaque extrémité, une fibule berbère.
Sur le sol, trois boules de jade,
Des petits fruits de l'ile de Grenade,
Pommes de lait et noix de muscade.
Au cœur d’un drap de satin ramassé en vagues,
Un fourreau de cuir noir et sa dague,
Un écrin carmin vide, sans bague.
Un trébuchet, deux plateaux en balance,
Trois gouttes de sang d'un côté, de l'autre une alliance,
L’intrigue se noue dans le repos de cette stance.